cora & paul #1

:Elle était plutôt remontée. Elle était pourtant gonflée à bloc ce matin, quand elle s’était levée. Aujourd’hui était son premier jour en tant que vrai officier de la police de New York. Elle avait attendu ce jour avec tellement d’impatience qu’il lui avait été difficile d’attendre jusque là. Elle avait eu beaucoup d’attentes et d’espoirs mais elle devait bien avouer que jusqu’à maintenant, rien n’avait atteint  ses espérances. C’était franchement décevant et elle commençait à se demander si elle était si naïve que ça. Loin de se démotiver, elle avait décidé de persévérer et de s’accrocher. Elle n’avait pas fait tous ces efforts pour abandonner si facilement. Et du peu de temps qu’elle avait passé avec son nouveau coéquipier, elle savait déjà qu’elle n’avait pas envie de lui donner une telle satisfaction.
Là, elle s’apprêtait à retourner dans leur voiture de patrouille. Paul lui avait dit que soit-disant, ils n’avaient pas le temps de s’arrêter dans un restaurant ou un café alors que ça aurait été bien plus agréable. Déjà qu’elle ne passait pas un moment très plaisant… Surtout que franchement, jusqu’ici, on ne pouvait pas dire qu’il y avait eu beaucoup d’action. Mais bon, elle ne prenait sur elle et ne disait rien. Mieux valait bien se faire voir, surtout le premier jour. La suite serait bien plus facile pour elle de cette façon.
“Je n’ai pas trouvé ce que vous m’avez demandé alors je vous ai pris ce qui y ressemblait le plus. J’espère que vous aimez le salami.” lui dit-elle en prenant place dans la voiture, un air désolé sur le visage. Elle espérait quand même qu’il n’allait pas trop lui en vouloir.

Paul avait hâte que cette journée finisse. Elle avait mal commencé dès le matin et elle allait sûrement mal se terminer aussi. Son supérieur avait cru bon ce matin de lui assigner une bleue tout juste sortie de l’école de police. En soit, ça n’aurait pas été grave, certains bleus étaient très compétents. Mais celle-ci… il se demandait vraiment ce qu’elle avait pour elle à part le fait d’être jolie (il ne pouvait au moins pas lui enlever ça). Il avait l’impression qu’elle s’était attendue à arrêter des criminels à chaque minute de la journée et qu’elle se leurrait vraiment sur la réalité du métier. Elle avait même voulu s’arrêter quelque part pour manger… sur quelle planète pouvaient-ils se permettre de prendre le temps de s’arrêter pour manger tous les jours, et surtout de se le payer. Cette fille n’avait vraiment aucun sens des réalités.

Il était un peu en paix pour le moment, il l’avait envoyé lui chercher un sandwich au poulet et au bacon pour le repas qu’ils allaient prendre dans la voiture. Il lui avait également demandé de lui prendre un soda. Il la pensait au moins capable de réaliser cette mission. Il fallait croire qu’il s’était trompé car quand elle revint dans la voiture, elle lui annonça qu’elle lui avait pris un sandwich au salami. “Ce qui ressemblait le plus à un sandwich au poulet et au bacon, c’était un sandwich au salami…” Il espérait qu’elle sentait bien le jugement dans son ton car il était assez incrédule sur ce coup-là. “Mais qui aime le salami en fait ?” Sûrement plein de monde en fait mais pas lui. “J’espère au moins que vous avez pu trouver un coca.” Si elle n’était pas capable de trouver du coca, il ne répondait plus de rien.

Elle se demandait quand même ce qu’elle avait fait pour mériter ce qu’il lui arrivait. Pas que ce soit dans son genre de dramatiser, mais elle n’avait pas touché le jackpot à la loterie des équipiers/instructeurs. Il y avait beaucoup plus grave dans la vie en plus, mais elle aurait préféré que cela se passe d’une meilleure façon. Il y avait quand même mieux pour démarrer dans un tel boulot… Ou peut-être que c’était justement pour la préparer à la dureté du métier. Quoi qu’il en soit, elle ne pourrait jamais décerner la médaille de la personne la plus agréable à son nouveau partenaire. De toute façon elle était adulte et elle pouvait supporter ça. Ce serait même facile, elle n’aurait qu’à ignorer ses remarques et ses soupirs et se concentrer sur son travail. Elle allait tellement être occupée qu’elle n’aurait même pas le temps d’y penser. Enfin pour le moment, ce n’était pas encore ça. Jusqu’ici, ils avaient simplement roulé dans la ville sans faire grand-chose. La chose la plus ‘excitante’ qu’elle avait pu faire jusqu’ici avait été d’aller chercher à manger. Bien sûr, elle se doutait que le travail de policier ne ressemblait pas qu’à ce qu’on voyait à la télévision ou au cinéma. Mais ils étaient tout de même à New York !  Soit, un challenge de taille l’attendait : elle n’avait pas réussi à trouver ce que lui avait demandé l’agent Bennett et elle lui avait pris totalement autre chose. Elle s’était dit que cela valait mieux que de revenir sans rien mais visiblement, elle aurait mieux fait. “J’ai pris ce qu’il restait mais si ça ne vous convient pas je suis sûre qu’on peut trouver quelqu’un à qui ça conviendra.” Au sans-abri affamé qui les regardait depuis l’autre côté de la route par exemple. “Et si jamais vous avez trop faim vous n’avez qu’à prendre ma salade, il y a du poulet dedans.” Elle n’avait pas faim de toute façon. Elle lui tendit ensuite son soda, sans un mot, préférant regarder dehors. “C’est quoi la suite du programme ?” Vite, qu’ils passent à autre chose.

Contrairement à ce que les apparences pouvaient laisser croire, Paul n’était habituellement pas le genre de flic stupide qui aimait être pénible avec les bleus. Il se souvenait avoir dû travailler avec quelqu’un quand lui-même avait commencé et il se souvenait aussi très bien avoir détesté. Il avait même failli tout lâcher mais comme il détestait abandonner, il avait dû faire appel à toute sa volonté. Il essayait donc de se montrer patient et gentil, la majorité du temps. Mais avec cette fille, il avait du mal. Elle semblait beaucoup trop à côté de la plaque à son goût. Trop naïve aussi, comme si elle pensait que les flics étaient tout le temps plongés dans le feu de l’action. En plus, elle était clairement incompétente parce qu’elle lui avait ramené un sandwich au salami alors qu’il avait demandé quelque chose au poulet et au bacon. Il détestait le salami en plus. Au moins, il avait sa boisson, il imaginait que c’était un bon début. “Eh bien écoutez, puisque vous le proposez…” Il lui tendit son sandwich au salami et attendit qu’elle lui donne sa salade. “Vous devriez noter ça quelque part c’est important, je n’aime pas le salami.” C’était d’ailleurs probablement l’information la plus importante de la journée parce qu’il fallait bien l’avouer, ce n’était pas une journée très intéressante, probablement pas la meilleure pour débuter. “La suite du programme… eh bien, on va manger.” Au cas où elle n’aurait pas encore compris ça par elle-même. “Et puis, on va continuer de patrouiller tranquillement, à moins qu’on ne reçoive un appel radio avant.” En tout cas, ce n’était pas le cas souvent mais aujourd’hui, il avait hâte que le travail se finisse.

Heureusement qu’elle était forte et patiente. Heureusement que ce boulot était tout pour elle, qu’elle n’était pas du genre à abandonner et que de toute façon elle n’aurait jamais pu se regarder dans une glace si elle l’avait fait parce que sinon, elle aurait démissionné depuis bien longtemps. Elle n’aurait pas perdu davantage de son temps avec un mec pareil qui n’avait même pas l’air de vouloir la respecter, ou de faire le moindre effort pour elle et bien la former. Franchement, si elle ne se respectait pas un minimum, elle lui aurait balancé ses quatre vérités depuis bien longtemps. Mais non, elle prenait sur elle, allant même jusqu’à lui offrir sa salade en échange de son sandwich pour l’apaiser. Elle n’aimait même pas le salami tant que ça. Mais mieux valait ça que l’entendre se plaindre encore plus.
Elle fut un peu déçue d’entendre que la suite du programme ne s’annonçait pas plus palpitante que le début de sa journée, mais elle se retint bien de le dire, préférant mordre dans son sandwich et manger en silence. Moins elle l’entendait, mieux elle se portait. “Très bien.” lui répondit-elle tout de même histoire de ne pas se montrer impolie non plus. En tant normal cela ne l’aurait pas dérangé, mais elle avait décidé de faire des efforts. “Je peux vous poser une question ?” lui demanda-t-elle plusieurs longues minutes plus tard, décidant que le silence était encore pire que tout. “Qu’est ce qui vous a poussé à devenir flic ?” Si elle se montrait curieuse et aimable, peut-être qu’il allait s’adoucir.

Paul était désolé d’annoncer à la jeune femme que le reste de la journée n’aurait rien de palpitant, à moins qu’ils ne reçoivent un appel. Enfin non, en vérité, il n’était pas tellement désolé. Il espérait même qu’elle se lasserait vite parce qu’il n’avait pas tellement envie de l’avoir avec lui tous les jours. Il préférait de loin son ancien partenaire (mais pour le coup, lui avait fini par abandonner et ce n’était pas à cause de Paul). Ils continuèrent donc de manger en silence, Paul essaya de penser à ce qu’il pourrait faire ce soir, ils avaient fait beaucoup d’heures supplémentaires tard le soir ces derniers temps et ils auraient sûrement dû en profiter pour rendre visite à sa famille mais il n’était pas certain d’en avoir envie. Il voulait juste dormir. Il en était là dans ses réflexions quand la jeune femme lui demanda ce qui l’avait poussé à devenir flic. Il fut tenté de la rabrouer et lui dire que ça ne la regardait pas mais bon, il s’ennuyait. “Un peu par hasard. Ce n’est pas ce que je voulais faire à la base et puis ma cousine a eu des problèmes avec un homme et j’ai voulu lui venir en aide et je me suis rendu compte que c’est ce que je voulais faire.” Même s’il aurait aimé s’en rendre compte sans que Dana aient tous ces problèmes. “Et vous ?” Il était curieux de savoir pour le coup.